La vendetta de la noisette

Publié le par Missgaspa

8h16, vendredi matin. J'ouvris un oeil tôt, aidée par le réveil-matin que j'ai pris soin de ne pas trop dépayser, malgré l'absence de l'homme, ou de toute autre forme de vie dans l'appartement sensée aller bosser.

Pour le coup, c'est moi qui fût littéralement dépaysée... Par les fenêtres du salon, je me suis rendue compte qu'il n'y avait plus de ville visible autour! Plus rien, la rue avait disparu, le pont, les branches des arbres, les oiseaux dans le ciel... plus rien! L'air s'était mué en ouate claire et opaque. A l'est, je devinai avec soulagement un halo jaune pale, qui devait être le soleil, brillant de ses maigres forces hivernales pour transpercer l'épais brouillard qui s'était abattu sur la ville.

"Tout n'est pas perdu", me dis-je, "le soleil est là". A l'opposé de l'astre de vie, j'observai par les fenêtres de la cuisine que le ciel bleu n'allait pas se faire attendre très longtemps.

La journée s'annonçait radieuse.


J'occupai ma matinée à récurer ma caverne, qu'en deux semaines d'isolement j'avais réussi à honteusement déclasser. Il fallait que ça brille si je voulais retrouver mon Monsieur Propre avec son éternel sourire. Et il rentre demain au bercail! Je m'appliquai donc à rendre a notre lieu de vie son caractère douillet, propre et accueillant. Sus à la poussière! Bon je ne vais pas rentrer dans le détail de mes travaux ménager, qui, je le reconnais n'ont absolument rien de transcendant.

(J'aimerais pourtant qu'on m'explique le fonctionnement du Destop, sensé annihiler avec perfection les caillots poilus et autre entraves au bon écoulement de l'eau de la baignoire. Depuis que j'ai procédé au-dit entretien, le flux s'apparente maintenant à celui d'un pipi de souris. Soit).

L'après-midi fut réservée au sport, ou disons, a la pratique pépère du roller dans le Parc. Je chopai ma voisine Jessica par le bras (entre chercheuses d'emploi, on se soutient, c'est naturel) et hop, nous voilà patinant comme deux biches athlétiques (oui je sais, aux dernières nouvelles, ça patine pas les biches, c'est une image... à peine idéalisée :-). Quel bonheur, le soleil, l'air pur, les petit gouzis des oiseaux... Trop cool.  Sur le chemin du retour, nous sommes sorties de l'enceinte du parc pour longer la grille sur la voie des bus. Ca glisse super bien là.


A un moment, nous voilà intriguées par le jeu d'un ravissant écureuil peu farouche. Vous savez, ces adorables bestioles rousses à la queue généreusement épanouie. De l'autre côté de la grille, deux vieux bonhommes étaient assis, probablement ceux qui avaient installé les nombreuses mangeoires, en cul de bouteille en plastique, qu'on pouvait apercevoir au creux des arbres. Effectivement, en regardant mieux, nous discernâmes une foule d'écureuils, manifestement habitués à venir prendre leur quatre heure à cet endroit. Nous nous rapprochâmes, car visiblement leur baragouinage inaudible nous était destiné (celui des vieux, pas celui les écureuils, suivez bon sang).

L'un des deux vieux, le plus gras et imposant des deux, nous expliqua qu'ils venaient chaque jour nourrir les petits nécureuils de graines et noix diverses. Le type nous appris qu'il était retraité de l'administration pénitentiaire depuis quelques d'années, et que depuis, chaque jour, il s'emploie à remplir sa mission écureuillitaire (oui je sais, ce mot n'existe que dans mes fantasmes).

Charmant! En moi-même, je pensai, quel endroit magnifique et paisible, je reviendrai sûrement ici voir les écureuils et leurs deux papys protecteurs.

Il avait une bonne bouille le bonhomme, puis l'autre aussi finalement. Le premier continua à nous parler, nous exprimant son indignation en évoquant un autre taré qui était venu récemment détruire leur petit paradis de la noisette et jeter les mangeoires dans les poubelles publiques. Le salaud! Il y a vraiment des tordus partout! Jessica et moi priment un air compatissant de circonstance... (non sans rire, c'est vrai quoi, c'est dégueulasse cette affaire).

Mais, il tenta de nous rassurer, en nous racontant qu'il avait serré le hooligan de la clairière et qu'il lui avait clairement dit sa façon de penser...

-"Tu r'commence po bonhomme sinon tu vas avoir affaire à moi", lui a-t-il dit.

Puis il rajouta, en fourrageant dans sa poche:

- "Puis de toutes façon, j'ai toujours mon Vendetta avec moi, alors qu'il revienne, et moi j'lui fais la peau. Moi, chuis Corse, et on nous fait po chier, à nous, les Corses" conclût-il en brandissant fièrement le couteau.

Heureusement, y avait une grille.

Puis il nous expliqua qu'ils n'habituaient pas les animaux à venir manger dans la main de l'homme, "parce que voyez vous, il existe des malades qui viennent avec un sac et un bâton et hop, ils chopent les écureuils peu méfiants, et ils les vendent. Si si. Et", repris-t-il d'une voix plus basse et pleine de sous-entendus, " il y en a même qui les mangent... Ce sont des Yougoslaves, ou des Roumains, vous voyez quoi..."

J'esquissais un léger sourire, en lui disant que j'étais moi-même à moitié Yougo, et que les Yougo, ils font pas ça, mais je ne suis pas sûre qu'il m'a entendue, car il continuait son discours.

Bon, à un moment, Jessica et moi on s'est regardées, sentant qu'il était temps de prendre congé. Nous les saluâmes, et il nous renvoya un grand sourire très gentil en nous souhaitant un bon après-midi. La dernière chose que nous entendîmes fût un fier "et vive Le Pen, Le Pen président!!" qui aurait achevé de nous faire fuir, si nous n'étions déjà parties.

Heureusement, y avait une grille.


 



Publié dans Sneak Outside

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S
!!! Heu oui il vaut mieux qu'ils restent à s'occuper des écureuils que de parler politique :( ... Evitez-les, des fois qu'ils vous prennent pour des hooligans déguisés en biches ...<br /> PS : pour les canalisations... ne cède pas à la pub mensongère, un seul moyen pour ne pas boucher les canalisations: mettre de petites grilles sur les bondes de tes lavabos, et pour déboucher... dévisser et vider à la main... bon courage ...
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L
Douce france ? cher PAYS de mon enfance ! Pas si paisibles que ça !ces p'tits vieux, voilà des p'tits détails qui TUENT..... en tout cas viva ces glandus d'écureuils.
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W
Ouh lààà, ils devraient se contenter de s'occuper des écureuils ces deux-là, parce que visiblement, le genre humain, c'est pas trop leur truc !
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